Bonsoir,
Bon, comme vous préférez que nous vouvoyons, faisons ainsi.
Je me suis demandé si j'allais ou pas accepter de reposter cet avis, tout comme initialement (bien avant votre première demande d'appréciation) je m'étais abstenu de le faire spontanément, car je ne voyais pas l'utilité d'éventuellement causer une contrariété sans finalité concrète (éventualité de correction d'une réédition).
Mais cela fait quand même la deuxième fois qu'il m'est demandé mon avis, et comme je n'ai jamais eu peur de dire franchement ce que je pense (même quand cela risquait de ne pas être apprécié), que par ailleurs vos intentions semblent franches, je ne vois pas de raison sérieuse de refuser.
Alors voici mon avis, pas facile à écrire, car j'ai voulu être sincère tout en tentant de rester objectif :
Disons qu'à la lecture de ce livre je suis un peu resté sur ma faim, mais je m'attendais à l'être, car presque tous les acteurs de l'aventure Pilote sont morts.
Dès lors, il paraissait hasardeux de pouvoir espérer obtenir de l'inédit de poids.
Ce livre est surprenant et atypique à plus d'un titre.
Il s'attarde longuement sur les prémisses de la création de Pilote, et sur la vie d'une partie de ses membres fondateurs, Hébrard et Clauteaux. De toute évidence le projet leur a échappé, car Pilote était pour eux au départ prévu pour être une sorte de Paris-Match ; mais fort heureusement (opinion perso), les circonstances l'ont fait bifurquer pour devenir un fameux périodique de BD, sous l'égide de Goscinny et de Charlier.
Du coup, il est paradoxal que cette étude passe presque complètement à côté du point central de Pilote qu'est l'étude du versant artistique et sa finalité de bandes dessinées (vous l'avez deviné, c'est là ma priorité). Car à mon avis, ce livre creuse trop sur l'anecdote et sur l'administratif, et pas assez sur l'aspect bédéphile. Ce qui est, il me semble, l'approche par le petit bout de la lorgnette pratiquée habituellement par l'auteur initiateur, qui a tendance à prendre un fait, que moi je pourrais trouver assez mineur, et de creuser, creuser, jusqu'à trouver le plus petit détail en rapport avec l'anecdote en question.
Deux exemples parmi bien d'autres : je trouve d'un intérêt très relatif de s'être soucié de l'endroit exact où a été prise la fameuse photo de groupe (qui est une photo noir et blanc colorisée, soit dit en passant) ; ou de gaspiller cinq pages à commenter et reproduire les statuts de la création de la société d'édition Pilote...
J'aurais aimé plus de développement sur le contenu BD et sur les auteurs de Pilote de l'époque traitée (le démarrage et les débuts du journal), des interactions entre auteurs, et beaucoup moins sur par exemple la vie et les mœurs de Clauteaux, d'Hébrard, et de leurs diverses connaissances, qui n'étaient pas des bédéastes, mais plutôt des entrepreneurs.
A côté de cela (un exemple) page 66, si le maquettiste avait fait des marges et des espaces moins larges, les scans du Pistolin 28 auraient pu être imprimés en plus grand, ce qui les auraient rendus lisibles.
Il y a beaucoup de travail, sans aucun doute, mais 319 pages ça file très vite, et j'ai déploré des développements et des approfondissements que j'ai trouvés d'un intérêt dérisoire (comme se soucier sur trois pages de qui était le gamin costumé en arlequin, -entre autres digressions-), alors que d'autres points plus importants sur un plan BD auraient à mon sens mérité une étude plus étoffée et plus large.
Cependant, je reconnais que le projet n'était pas d'emblée des plus évidents, en considérant les deux monographies de poids qui existent déjà sur Pilote, le 'livre d'or' et 'les années' ; il n'était pas simple d'éviter la redondance, et de faire œuvre originale.
En l'espèce, le résultat est original et même intéressant (compte-tenu des réserves que j'ai formulées jusqu'ici), mais trop peu étoffé sur le plan BD, toujours à mon avis, bien sûr.
Ceci dit, le livre est copieux, il y a beaucoup de lecture, et ça c'est un très bon point.
En ultime conclusion, j'ajouterai que, bien sûr, la critique est aisée mais l'art est difficile.
Il est plus facile de comprendre les impasses faites en ayant en tête ma phrase de préambule, à savoir que presque tous les créatifs BD ayant œuvré à Pilote sont morts, et que l'auteur initial a dû composer avec les limites quantitatives du matériel dont il a pu disposer. En cela, le citron matériau de base a su être pressé jusqu'à son ultime goutte, le travail a été soigné.
