Lord Foxhole a écrit : ↑sam. 15 août 2015, 19:32
La Séparation de Christopher Priest n'est pas vraiment une nouveauté… Le livre est sorti en 2002 et est traduit en française depuis 2005.
C'est un ouvrage intéressant mais qui, certainement, apparaîtra comme assez irritant pour certains.
Généralement présenté comme une uchronie, le récit dépasse pourtant – à mon avis – la simple histoire alternative.
Il est assez amusant de constater qu'elle met d'abord en scène un certain Stuart Gratton, historien britannique spécialisé dans les études concernant la Seconde guerre mondiale… En fait, une guerre qui n'est jamais vraiment devenue « mondiale » ; la Grande-Bretagne a signé un armistice avec l'Allemagne en mai 1941. Les Nazis eurent donc les mains libres pour leur opération
Barbarossa…
Gratton est confronté à un petit mystère : qui est ce mystérieux J.L. Sawyer ayant participé aux négociations précédent cette paix à l'Ouest ? Tantôt il est présenté comme un pilote de la RAF, tantôt comme un objecteur de conscience...
Le roman proprement dit est un peu comme un puzzle, mais Christopher Priest laisse au lecteur le soin de rassembler les pièces. Dès le départ, il explique qu'il y a une confusion aisément compréhensible : les frères Sawyer étaient des vrais jumeaux, s'appelant Joe et Jack… Les mêmes initiales, mais pour des individus aux caractères très différents.
Sportifs, ils gagnèrent une médaille de bronze aux Jeux Olympiques de Berlin, en 1936. Bref séjour dans l'Allemagne hitlérienne, mais qui marqua la séparation des deux frères : l'un (Joe) se mariant avec une jeune Juive, l'autre (Jack) se tournant vers une carrière militaire.
A partir de là, Christopher Priest nous livre deux visions divergentes des évènements…
Dans la version de Jack, le pilote de la RAF, la guerre suit plus ou moins la trajectoire que l'on connaît. Il est abattu au cours d'un raid au dessus de l'Allemagne et fait prisonnier jusqu'en 1945. A noter que, dans sa version, Joe était devenu ambulancier et a été tué au cours du
Blitz...
Cependant, la version de Joe, l'objecteur de conscience, est complètement différente. Ambulancier victime d'une explosion, il survit néanmoins au
Bliz. Mieux encore : il fut choisi pour faire partie des représentants de la Croix Rouge, assistant aux négociations de paix entre la Grande-Bretagne et le
Reich.
Tout est loin d'être clair, et il y a dans le roman bien plus d’éléments que je ne peux en citer… Parfois, les versions de Jack et Joe se complètent, parfois elles se contredisent. De fait, Christopher Priest raconte deux vies et deux guerres différentes. Souvent, même, j'ai eut l'impression qu'il y avait bien plus de deux versions, et qu'il fallait comprendre qu'il y avait probablement une infinité de versions différentes de ces vies et de ces guerres, une infinité de réalités.
La Séparation n'est donc pas une simple uchronie mais une véritable réflexion sur ce qu'est la réalité et sur le rôle joué par chacun dans l'Histoire...