En fait, c'est en regardant hier soir le film C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule ! que j'ai eu l'idée de ce message.
En cette période de pandémie qui nous cloître à la maison, nous privant de salles de cinéma, et en plus pas tellement intéressé par ces films de super-héros américains qui se lattent la tronche à coups d'immeubles, je me replonge dans le cinéma dit populaire français des années 1970 à 80, revoyant ces films un peu oubliés grâce au cinéma à la demande des chaines thématiques. Oubliés, mais pas totalement, puisque le film que j'ai visionné hier soir, C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule ! donc, titre à la / ou en hommage à Michel Audiard (qui n'a pas participé au film), avait rassemblé un peu plus de 800 000 spectateurs lors de sa diffusion sur la chaine C8 le mardi 2 juin 2020 à 21H15, soit presqu'autant que les 974 344 entrées France lors de la sortie du film le 22/01/1975.
Sympathique comédie dont le scénario avait été initié par le trio Christian Clavier, Gérard Jugnot et Thierry Lhermitte, pas encore adoubés par le succès des Bronzés. D'ailleurs de leur scénario ne reste quasi que l'idée centrale, celle d'un casse d'un coffre de la SNCF via les toilettes publiques de la gare de l'Est, puisque le scénario a été entièrement revu par le réalisateur du film, Jacques Besnard (Le Grand restaurant, Le Fou du labo 4, Le Jour de gloire... pour situer l'humour du bonhomme) et le fameux scénariste Jean Halain, vétéran du cinéma franchouillard, afin d'adapter l'histoire au trio vedette du film, d'une autre génération que les trublions du Splendid, à savoir les inimitables Bernard Blier, Michel Serrault et Jean Lefebvre ! Cela n'empêchera pas Clavier et Jugnot de faire des apparitions dans le film. Si celles de Jugnot, avec son running gag d'employé de gare qui a un soucis d'incontinence sont anecdotiques, l'unique et courte de Clavier en flic de quartier faisant des avances dans les toilettes à Blier vaut son pesant de cacahuètes !
On aperçoit d'ailleurs sur la capture ci-dessous Bernard Blier dans son œuvre :
Mais ce qui m'amène ici n'est pas le talent de l'acteur, mais plutôt ce qu'on aperçoit dans la vitrine de la librairie à droite et qui m'a tapé dans l’œil à la vision du film. Si on zoome, on peut voir ceci :
Oui, sur la rangée du haut, on voit nettement les couvertures des trois premiers numéros de la collection "Super Hors Série" des éditions Gerfaut (les cochonnesques) : Fraulein SS, Les Prêtresses de la croix gammée (1972), et Filles à soldats (1973), tous trois signés Kurt Gerwitz (pseudonyme de Jean-Hubert Guffens). Scène tournée dans la gare de l'Est, en août 1974 (le tournage du film s'étant étalé entre le 19/08 et le 04/10/1974, les scènes dans la gare filmées en août).
Où l'on peut dire que c'est une illustration parfaite de la notion du roman de gare. Cela me renvoie d'ailleurs à certains souvenirs, quand je prenais le métro pour aller à la gare Montparnasse certains samedis vers 1985, trouvant dans ces librairies de gare les derniers numéros Gerfaut parus (pas ceux montrés ici, l'éditeur ayant stoppé cette variante après 11 titres parus), et ce même quelques mois après l'arrêt définitif de son activité.
Une remarque quand même : pas certain que ces couvertures seraient de nos jours acceptables dans une vitrine, même de gare. On peut voir pendant la scène une figurante avec une petite fille examiner longuement la vitrine et donc regarder ces illustrations un peu sulfureuses. En cette époque où offuscation et levée de bouclier pour un rien sont devenues la norme, on est presque surpris de voir cela à l'écran.
C'est pour cela que j'aime (re)voir des films français de cette période, quand leurs scénarios sont des histoires contemporaines, car quels que soient leurs qualités ou défauts, grands ou petits films, ce sont des témoins temporels de leur époque (c'est vrai pour toutes les décennies du cinéma, mais les années 1970-80 me parlent plus puisque j'y ai grandi).
Un reportage daté du 24/08/1974 sur le tournage du film à la gare de l'Est, mis en ligne par l'INA, où l'on se rend compte que le trio vedette ne prend pas le film très au sérieux, et il ne s'en cache pas vraiment, loin des interviews très consensuelles et / ou un brin coincées qu'on voit régulièrement à la télévision.